mercredi 28 septembre 2011

L'étoile , la tulipe et l'abeille







Il était une fois, dans un pays lointain, un jeune garçon doté d'une bonne étoile. Quoi que cet enfant fasse, il avait toujours de la chance et tout lui réussissait.
Mais la sorcière Baba Yaga, qui vivait dans une sombre forêt, était terriblement jalouse.
Un jour, elle utilisa son miroir magique, et découvrit l'étoile du jeune garçon, cachée au cœur d'une pierre, dans la forêt profonde. Elle s'y rendit et la déroba.
Aussitôt, le jeune garçon eut malheurs sur malheurs: Il devint pauvre, il eut faim, il fut chassé de chez lui.
Il erra de par le monde, jusqu'à ce qu'il arrive à l'orée d'une clairière, dans la forêt profonde. Il vit un champ de tulipes et derrière, une maison solitaire, faite d'os et montée sur des pattes de poules gigantesques.
Il s'approcha. Comme il passait devant le champ, il vit une tulipe jaune et brillante. Il voulut la cueillir mais quand il approcha ses doigts de la tige, la tulipe s'exclama "laisse-moi la vie et je t'aiderais!". Le jeune garçon alors l'épargna.
-comment peux-tu m'aider? lui demanda-t-il.
-Prends garde à l'habitante de cette maison, répondit la tulipe. C'est celle de Baba Yaga, la sorcière. Fais tout ce qu'elle te dit, mais surtout, ne lui donne pas ton cœur!"
Le jeune garçon frappa à la porte. Baba Yaga le fit rentrer. Elle lui dit:
"Mets-toi à l'aise, mon jeune ami, donne moi ta veste froissée que je la repasse, puis je te donnerais mon bon miel à manger!"
Il lui donna sa veste à repasser et Baba Yaga la jeta au feu. Elle lui dit:
"Mets-toi à l'aise, mon jeune ami, donne moi tes souliers crottés que je les nettoie, puis je te donnerais mon bon miel à manger!"
Il lui donna ses souliers à nettoyer et Baba Yaga les jeta dans le tas de fumier. Elle lui dit:
"Mets-toi à l'aise, mon jeune ami, donne moi ton cœur malheureux que je l'embrasse, puis je te donnerais mon bon miel à manger!"
Alors, le jeune garçon poussa Baba Yaga par la fenêtre et elle tomba dans le champ de tulipe, avec un grand cri de rage. Aussitot, les tulipes éclatèrent avec un "pop" et de chacune, il sortit une abeille. Toute la ruche bourdonna autour de Baba Yaga et la piqua cruellement, si bien qu'elle s'enfuit dans la forêt en criant. Personne ne la revit jamais.
Alors, les abeilles se transformèrent toutes en étoiles. Le jeune garçon retrouva son étoile jaune et brillante et il rentra chez lui. Pour plus de sûreté, il décida désormais de garder son étoile toujours avec lui et il la rangea dans son cœur.
Par la suite, il vécut heureux et eut toujours de la chance.



samedi 17 septembre 2011

Le conte du petit hérisson




Il était une fois un jeune hérisson pour qui la vie avait été difficile jusque là . La seule chose pour laquelle il semblait vraiment doué , c'était de se mettre en boule ...
De nombreuses attaques lui avaient appris à se protéger et il savait se faire tout rond plus vite que n'importe quel hérisson . A force de se faire agresser , il avait d'ailleurs fini par croire que tout le monde lui en voulait . Bien des êtres avaient essayé de s'en approcher et s'en étaient retournées tout meurtris . C'est qu'en plus , il avait aiguisé chacun de ses piquants et prenait même plaisir à attaquer le premier . Sans doute se sentait - t'il plus important ainsi ... 
Avec le temps , il était devenu très solitaire . Les autres se méfiaient de lui . Alors il se contentait de rêver à une meilleure vie ailleurs , ne sachant plus comment s'y prendre pour sortir de cette situation d'agression permanente . Un jour qu'il se promenait toujours seul , non loin d'une habitation , il entendit une étrange conversation entre deux garçonnets .
-"Tu sais , sur le dos il y a plein de piquants , mais mon père dit que le ventre est aussi doux que Caramel , tu sais , ma peluche préférée , disait le plus petit . 
-"J'aimerais bien voir ça ! - Moi , je sais ou i se cache , dit l'autre , sous les haies ."
"Tiens , se demanda notre ami à quatre pattes, ne seraient - ils pas en train de parler de moi ? "
Il se cacha dans un coin et regarda son ventre .Il lui sembla faire ce mouvement pour la première fois . Il avait passé tellement de temps à s'occuper des petites épées sur son dos qu'il en avait oublié cette fourrure douce et chaude qui le tapissait en dessous . 
" Mais oui , moi aussi je suis doux en dedans , constata - t- il avec étonnement . Doux dedans , doux dedans , doux dedans " chantonnait-il en sautillant d'une patte sur l'autre. Celles-ci le faisait rebondir . Tiens , il avait aussi oublié le plaisir de danser . Car les hérissons adorent les soirs de lune , le saviez-vous ? 
Tout en dansant , il s'était rapproché des deux garçons . Le plus grand disait à l'autre: -" Les renards font pipi dessus pour les obliger à s'ouvrir . On pourrait bien en faire autant , comme ça on verrait ...
-Ah non ! dit le plus jeune.Je ne veux pas leur faire de mal . Ils sont très gentils . Il faut en apprivoiser un en lui apportant tous les jours un oeuf . Les hérissons adorent les oeufs . 
-"D'accord , mais il faut d'abord en trouver un ! dit son compagnon"
Le petit animal tendait l'oreille. Cette histoire commençait à beaucoup l'intéresser . Comment? il existait quelqu'un qui ne voulait pas de mal ! 
Après bien des péripéties que je vous laisse imaginer , et aussi des doutes, des hésitations , des peurs et des envies de fuir, notre ami Doux dedans , c'est ainsi qu'il s'appelle lui - même , il passa de moins en moins de temps en boule . Chaque jour il s'exerçait à montrer sa fourrure . Du coup elle devenait de plus en plus douce et soyeuse . Et ses piquants à force d'être délaissés finirent par s'émousser et devinrent de moins en moins piquants . 
Ah! Que c'était bon d'avoir des amis ... et aussi de se sentir si doux . 
A force d'apprendre à être doux , il avait même fini par rencontrer une compagne qui elle aussi avait un ventre très , très doux ...et devinez ce qui arriva ?... 

Extrait du livre de J. Salomé: "Contes à guérir , contes à grandir"



Deux hommes qui se connaissaient depuis longtemps 
se rencontrèrent au bord d'un trottoir.
Ils étaient tous les deux abattus , atterrés ,
déprimés comme il n'est pas possible de l'être.
L'un des deux , croyant être le plus déprimé, 
s'adressa à l'autre et lui dit :
"Si je puis me permettre , tu ne sembles pas aller bien,
que t'arrive - t'il ? "
Il espérait que l'autre lui dirait :
"Je vais bien", ce qui lui aurait permis de dire à son tour:
"Tu en as de la chance, moi ça ne va pas du tout ..."
Mais celui ci , contre toute attente , répondit:
"Oh! ça ne va pas du tout, je me sens coupable,affreusement fautif.
Ma mère était malade, je lui ai conseiller de se faire opérer. Et elle est morte des suites de cette opération.Jamais, jamais je n'aurais dû lui conseiller cela.C'est de ma faute , si elle est morte".
Et le premier de s'exclamer à son tour:
"Moi c'est pire encore, ma mère aussi était malade , elle voulait se faire opérer , je lui ai déconseillé cela .
Je l'ai invité plutôt à partir en vacances.
Et elle est morte d'un accident de la route.C'est terrible , jamais je n'aurais dû la déconseiller pour cette opération .C'est de ma faute si elle est morte".
Et son interlocuteur de surenchérir :
"Mais toi , tu détestais ta mère, alors que moi je l'aimais , c'est donc moi qui souffre le plus".
"C'est ce que tu crois , s'empressa d'ajouter le premier , la tienne n'a pas eu à subir d'opération , elle . Elle est morte sans souffrir , alors que la mienne..." 
"Oui mais la tienne n'a rien senti , n'a pas su ce qui lui arrivait , alors que la mienne..."
Un orage les sépara mais ils se promirent de reprendre cet échange passionnant.Pour savoir lequel est le premier en culpabilité , lequel est celui qui doit s'attribuer la plus grande souffrance d'avoir fait ou dit , de n'avoir pas fait ou pas dit.

Jacques Salomé





vendredi 16 septembre 2011

Conte à s'aimer



Deux hommes qui se connaissaient depuis longtemps 
se rencontrèrent au bord d'un trottoir.
Ils étaient tous les deux abattus , atterrés ,
déprimés comme il n'est pas possible de l'être.
L'un des deux , croyant être le plus déprimé, 
s'adressa à l'autre et lui dit :
"Si je puis me permettre , tu ne sembles pas aller bien,
que t'arrive - t'il ? "
Il espérait que l'autre lui dirait :
"Je vais bien", ce qui lui aurait permis de dire à son tour:
"Tu en as de la chance, moi ça ne va pas du tout ..."
Mais celui ci , contre toute attente , répondit:
"Oh! ça ne va pas du tout, je me sens coupable,affreusement fautif.
Ma mère était malade, je lui ai conseiller de se faire opérer. Et elle est morte des suites de cette opération.Jamais, jamais je n'aurais dû lui conseiller cela.C'est de ma faute , si elle est morte".
Et le premier de s'exclamer à son tour:
"Moi c'est pire encore, ma mère aussi était malade , elle voulait se faire opérer , je lui ai déconseillé cela .
Je l'ai invité plutôt à partir en vacances.
Et elle est morte d'un accident de la route.C'est terrible , jamais je n'aurais dû la déconseiller pour cette opération .C'est de ma faute si elle est morte".
Et son interlocuteur de surenchérir :
"Mais toi , tu détestais ta mère, alors que moi je l'aimais , c'est donc moi qui souffre le plus".
"C'est ce que tu crois , s'empressa d'ajouter le premier , la tienne n'a pas eu à subir d'opération , elle . Elle est morte sans souffrir , alors que la mienne..." 
"Oui mais la tienne n'a rien senti , n'a pas su ce qui lui arrivait , alors que la mienne..."
Un orage les sépara mais ils se promirent de reprendre cet échange passionnant.Pour savoir lequel est le premier en culpabilité , lequel est celui qui doit s'attribuer la plus grande souffrance d'avoir fait ou dit , de n'avoir pas fait ou pas dit.

Jacques Salomé








samedi 10 septembre 2011

L'arbre qui voulait rester nu - Conte de Antoine Lang

Il était une fois un arbre.
Au beau milieu d'un verger, il était sorti de terre, petite pousse verte et fragile se confondant avec les herbes alentours. Curieux de tout, il regarda bien vite le monde qui l'entourait, les fleurs qui s'ouvraient le matin et se refermaient le soir, les oiseaux qui sifflaient en sautant de branche en branche, le paysan qui venait tôt le matin cueillir les fruits des arbres, les graminées qui ondulaient sous la caresse des vents...
Ah!, il le trouvait beau ce monde autour de lui, il avait envie lui aussi de participer à cette beauté, de trouver sa place dans cette harmonie.
Une année s'écoula et, ayant grandi, il était devenu un petit rameau portant quelques tiges. Il se rendit compte qu'il n'était pas un brin d'herbe comme il l'avait crû tout d'abord, mais un arbre et se mit à observer plus attentivement ses aînés.
Il les trouvait si grands, si beaux recouverts de leurs feuilles et de leurs fleurs; il fût si émerveillé de voir toutes ces fleurs se transformer en fruits, il fût si attendri des soins attentifs que leur apportait le paysan, mais...
Mais, se regardant, il s'aperçut que son écorce ne ressemblait à aucune de celles qui les habillait, que ses branches n'avaient pas la même forme que les leurs. Alors, il eût peur, peur de n'être pas assez grand, peur de n'être pas assez beau, peur de ne pas porter assez de fruits, il eût peur que les autres, pommiers, poiriers, mirabelliers... n'acceptent pas sa différence et il décida de ne produire ni feuille, ni fleur, ni fruit.
C'est ainsi que les années passèrent, à chaque printemps, son tronc s'épaississait, s'allongeait, de nouvelles branches poussaient, mais... ni feuille, ni fleur, ni fruit.
Pour ne pas se trouver nu face aux autres, il s'était depuis son jeune âge laissé peu à peu recouvrir par un lierre grimpant, par des liserons et par des bouquets de gui : ne sachant à quoi il pourrait ressembler, il se couvrait d'une beauté qui n'était pas la sienne.
Le jardinier plus d'une fois projeta de le couper pour en faire du bois de chauffage, mais trop occupé par ailleurs, il remit chaque fois cette tâche à plus tard. Un matin pourtant il vint, armé d'une grande hache et commença par couper le lierre qui enserrait l'arbre. Du lierre, il y en avait tellement que cela lui prit toute la journée et qu'une fois de plus, il remit l'abattage à plus tard. Cette nuit là, un petit ver parasite piqua le liseron qui en mourut aussitôt et le lendemain, les oiseaux du ciel apercevant le gui vinrent le picorer.
Il ne restait plus de l'arbre au milieu du verger qu'un tronc et des branches : il ne restait plus que l'arbre au milieu du verger.
S'apercevant soudain de sa nudité et ne sachant par quel artifice la couvrir, il se décida enfin à laisser pousser tout au long de ses branches de belles petites feuilles d'un vert tendre, à laisser éclore au bout de chaque rameau de mignonnes petites fleurs blanches contrastant joliment avec le brun de la ramure et le vert du feuillage
Le paysan sur ces entrefaites revint avec sa hache et découvrant à la place du tronc inutile un magnifique cerisier, ne trouva plus aucune raison de le couper. Il le laissa donc, trop heureux du miracle qui s'était produit.
Depuis ce jour, l'arbre vit heureux au milieu du verger, il n'est pas comme les autres, ni plus beau, ni plus grand, mais tout aussi utile. Il a compris que ni la texture de l'écorce, ni le tracé des branches, ni la forme des feuilles, ni la couleur des fleurs n'ont d'importance : seuls importent les fruits qu'il porte et que nul autre que lui ne peut porter.
Aussi, tous les ans, à la belle saison, les enfants du paysan viennent avec une échelle et, s'éparpillant dans sa ramure, se gavent de ses fruits et le réjouissent par leurs rires.
N'ayons pas peur des fruits que nous pourrions porter, car nul autre ne pourra les porter pour nous, mais chacun pourra s'en nourrir. N'ayons pas peur des fruits que nous pourrions porter.
Car chaque fois que nous les refuserons, il manquera quelque chose dans le monde ; n'ayons pas peur des fruits que nous pourrions porter, car chacun d'eux permettra de faire grandir la Vie et l'Amour que Dieu nous a donnés.
Les contes de Antoine Lang sont uniquement sa propriété veuilliez respecter les droits d'auteur et ne pas recopier ces contes en mentionnant que ce sont des contes africains ceux ci sont protéger par un notaire spécialisé dans la protection intellectuelle et artistique merci à Antoine Lang de nous faire rêver et voyager à travers son univers .

dimanche 4 septembre 2011

Le renard et le petit prince



C'est alors qu'apparut le renard :
Bonjour dit le renard.
Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
Je suis là, dit la voix, sous le pommier...
Qui es-tu? dit le petit prince. Tu es bien poli...
Je suis un renard, dit le renard.
Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...
Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
Ah! pardon, fit le petit prince.
Mais, après réflexion, il ajouta :
Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu?
Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Il élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules?
Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser"?
C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ca signifie créer des liens..."
Créer des liens?
Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits gerçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde...
Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...
C'est possible, dit le renard. On voit sur terre toutes sortes de choses...
Oh! Ce n'est pas sur terre, dit le petit prince
Le renard parut très intrigué :
Sur une autre planète?
Oui.
Il y a des chasseurs, sur cette planète-là?
Non.
Ça, c'est intéressant! Et des poules?
Non.
Rien n'est parfait, soupira le renard.





Mais le renard revint à son idée :
Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sur terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde! Tu vois là-bas, les champs de blé? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé! Le blé qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
S'il te plaìt... apprivoise-moi, dit-il.
Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaìtre.
On ne connaìt que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaìtre. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi!
Que faut-il faire? Dit le petit prince.
Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Le lendemain revint le petit prince.
Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, pas exemple, à quatre heures de l'après-midi, dés trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai; je découvrirai le prix du bonheur! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le coeur... Il faut des rites.
Qu'est-ce qu'un rite? Dit le petit prince.
C'est quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances.
Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure de départ fut proche :
Ah! dit le renard... Je pleurerai.
C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
Bien sûr, dit le renard.
Mais tu vas pleurer! dit le petit prince.
Bien sûr, dit le renard.
J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. Puis il ajouta : Va revoir les roses. Tu comprendras. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret.
Le petit prince s'en fut revoir les roses : Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais, j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde. Et les roses étaient bien gênées. Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose.
Et il revient vers le renard : Adieu, dit-il...
Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple: on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
L'essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.
C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.
Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...
Je suis responsable de ma rose... répéta le petit prince, afin de se souvenir.
Tiré de : Le petit prince par Antoine de Saint-Exupéry